Avec une centaine de logements en habitat participatif, Citadelle sera bientôt l’un des quartiers de France qui en compte le plus ! Une manière de concevoir et de vivre son logement qui connaît un beau succès et où Strasbourg fait figure de pionnière. Mais au fait, qu’est-ce exactement que l’habitat participatif ? Quelles formes prend-il, à qui s’adresse-t-il, et comment se déroule un projet, de la conception à la gestion ? Le point sur toutes ces questions.
C’est quoi, l’habitat participatif ?
Selon la définition du ministère de la Transition écologique, « L’habitat participatif repose sur une démarche citoyenne : il permet à des groupes de personnes de construire leur logement et de partager un mode de vie écologique et communautaire. » Il existe plusieurs types d’habitat participatif, tous représentés dans le quartier Citadelle et que nous détaillerons plus bas : autopromotion, accession libre, accession sociale et locatif social. Portés par un groupe d’habitant, un promoteur immobilier ou un bailleur social, ils demandent des degrés d’implication divers de la part des futur·es habitant·es pendant la phase de conception, de construction et de gestion une fois le logement habité.
À Strasbourg, tous doivent répondre à trois conditions, fixées par la Charte de l’habitat participatif de la ville :
- la co-conception du logement avec ses habitant·es,
- la mutualisation d’espaces partagés,
- et le vivre-ensemble.
À noter : il peut s’agir de construction neuves, comme à Citadelle, ou de rénovations.
Les points communs
Il s’agit le plus souvent de terrains ou de bâtiments appartenant à la ville ou à l’aménageur, pour lesquels est lancé un appel à projets. Celui-ci détaille les attendus pour les logements et leur intégration dans le quartier. Les candidat·es qui y répondent exposent leur projet de logement et surtout leur projet de vie.
Un habitat participatif comporte toujours, et c’est bien là ce qui intéresse les futur·es habitant·es, des espaces partagés, intérieurs et/ou extérieurs. Chambre d’ami·es, atelier de bricolage, espace de travail, buanderie, terrasse ou jardin commun : l’usage est déterminé par les habitant·es suivant leurs besoins ou leurs envies.
Un habitat participatif est souvent éco-conçu, même lorsque cette exigence n’est pas stipulée dans les appels d’offres. Pour Emmanuel Marx, directeur de l’association Éco-quartier Strasbourg, qui accompagne la SPL Deux-Rives et la Ville de Strasbourg dans ces démarches, « les habitant·es qui se lancent ont une attention particulière à la dimension écologique et sanitaire. Les matériaux, la qualité de l’air intérieur liée aux composants, l’attention aux ondes, etc., est souvent bien supérieure à ce que demande la règlementation. » De plus, le fait de mutualiser buanderie, chambre d’ami·es ou ateliers permet d’optimiser les m² et donc de faire des économies mais aussi de moins artificialiser les sols. Cette attention s’explique sans doute par le fait qu’au-delà d’un projet de logement, l’habitat participatif est un projet de vie.
À noter : le quartier Citadelle ayant intégré le réseau des Démonstrateurs de ville durable, les logements devront répondre à des prescriptions architecturales et environnementales, détaillées dans les appels d’offres à destination des groupes d’habitant·es et des promoteurs.
Pourquoi l’habitat participatif ?
Les textes du Ministère et des collectivités arguent souvent que l’habitat participatif améliore la qualité de vie, à l’échelle du logement et du quartier. Mais comment ? « Si par qualité de vie on entend confort d’usage, qualité architecturale, sociale et environnementale, confirme Emmanuel Marx, alors oui, elle est bien meilleure par rapport à un “produit logement” ! » « Les habitant·es s’impliquent dans la vie de la résidence, dans la vie avec leurs voisins, la gestion et l’entretien de leur logement », poursuit Martin Labrosse, directeur de projet Habitat participatif à la Ville de Strasbourg. « Ils et elles sont dans une dynamique de s’investir dans leur cadre de vie, conclut Emmanuel Marx, et celui-ci ne s’arrête pas à la résidence. »
Des appels à projets sont en cours sur le quartier Citadelle, pour des groupes d’habitants en autopromotion et pour des promoteurs en accession libre
Les types d’habitat participatif
L’autopromotion
C’est la forme la plus connue. Les futur·es habitant·es se constituent en groupes, qui jouent le rôle de promoteur immobilier. Ils prennent donc en charge l’achat du terrain, le montage financier, le travail avec l’architecte… Bref, tout ce que fait un promoteur. Cette formule offre beaucoup de liberté, puisque les habitant·es sont entièrement maîtres du dessin de leurs logements, des espaces partagés, du choix des matériaux et des prestations, ainsi que de la façon dont ils s’organisent et coopèrent. En contrepartie, cela demande beaucoup d’investissement en temps et en énergie, des compromis entre les habitant·es et parfois des nerfs solides !
Le calendrier
Sur Citadelle, une fois les groupes choisis, il faudra compter au moins trois ans jusqu’à la livraison des logements.
- un an pour écrire le projet, monter le dossier financier, présenter un programme (c’est-à-dire ce que doit contenir le bâtiment) à l’architecte
- un an de conception avec l’architecte
- un an pour le chantier a minima
Les accompagnements
Les auto-promoteurs ne sont pas seuls dans l’aventure ! « Pour les personnes intéressées par l’appel à projet, nous organisons des ateliers avec l’association Éco-quartier Strasbourg, précise Victoire Guigues, cheffe de projet à la SPL Deux-Rives en charge du quartier Citadelle, pour qu’elles comprennent ce qu’est l’autopromotion, qu’elles puissent se rencontrer s’il n’y a pas encore de groupe constitué. On parlera ensuite du montage financier, des formes juridiques que peut prendre le groupe*, enfin, du programme. » Une fois choisi, le groupe devra s’adjoindre un assistant à maîtrise d’ouvrage, « qui va transformer leur projet en document technique pour l’architecte, les assister dans le montage juridique et technique ». La SPL Deux-Rives prendra en charge la moitié de ses honoraires, avec un montant maximum.
L’association Éco-Quartier Strasbourg a aussi édité un Guide de l’autopromotion, qui diffuse les bonnes pratiques et les expériences de celles et ceux qui sont déjà passé·es par là.
Combien ça coûte ?
Pas plus qu’un logement neuf traditionnel, mais pas forcément beaucoup moins. « Cela dépend de chaque groupe, mais si le prix final est le même, ces logements sont de bien meilleure qualité, en termes d’espaces, de matériaux et de durabilité », confirme Victoire Guigues.
Pour qui ?
C’est sûr, l’autopromotion n’est pas pour tout le monde car il faut y investir du temps ! Faut-il des compétences particulières ? Pas nécessairement, constate Emmanuel Marx. Mais surtout, « il faut de l’écoute et du dialogue, la capacité de s’organiser à plusieurs, d’encaisser cette charge mentale et le travail que cela demande. » Il y a un nombre important d’arbitrages à faire – juridiques, économiques, financiers –, et à faire collectivement. « On est forcé de travailler en sous-groupes, remarque Emmanuel Marx, et on apprend beaucoup en cours de route : avoir confiance dans le collectif, prendre des initiatives, donc des risques ». D’après son expérience, le groupe est un organisme vivant qui évolue au fil du temps. « Tout le monde ne s’investit pas de la même manière dans la phase de montage, d’autres prennent le relais sur la gestion quotidienne. D’ailleurs, ce n’est pas bon signe quand il n’y a pas de changement de leadership… »
Pourquoi ?
Encore une fois, pour la qualité architecturale et sociale des bâtiments. D’abord, le principe même de co-conception permet d’éviter l’écueil de la standardisation « Les logements correspondent aux attentes des habitant·es et cela crée une réelle diversité architecturale. On retrouve souvent ici des éléments qu’on ne voit plus ailleurs, comme les coursives. Comme les gens se connaissent, ils s’approprient vraiment ces espaces dits intermédiaires, contrairement aux copropriétés, où quand un espace est à tout le monde, il n’est souvent à personne… » Du coup, ils se réduisent souvent à une petite entrée et une cage d’escalier. Or, ces espaces-là participent grandement au bien-être ressenti par les habitant·es.
Ensuite, comme le précise Emmanuel Marx, « on n’est jamais dans une accumulation de logements, mais dans un projet commun. C’est vraiment une aventure collective, et ça s’apprend ! »
Un exemple : Eco-logis
24, rue de Lunéville au Neudorf à Strasbourg
11 logements du studio au 6 pièces, sur 5 niveaux, structure bois, isolation thermique renforcée, toiture et façades végétalisées.
Espaces mutualisés : salle polyvalente de 35 m², salle de jeux, atelier, buanderie, jardin et potager, garage à vélos de 33 places.
C’est le projet pionnier à Strasbourg. À l’époque, tout est à inventer pour les dix familles et leur projet collectif inspiré de l’éco-quartier Vauban à Fribourg (Allemagne). Il aura mis six ans à sortir de terre et a tracé la route pour les suivants. Les habitant·es d’Eco-logis ont réinventé un mode de vie collectif, un village en ville, qui apparaît de plus en plus désirable. Cette habitante en témoigne : « Ici, lorsque l’on sort de chez soi, si on en a le goût et si on a le temps, on peut discuter sur les coursives, jardiner à plusieurs, se retrouver à la buanderie faire une lessive ensemble… Il y a vraiment un partage, de l’entraide… par exemple si quelqu’un est malade, il sait qu’il peut compter sur les gens de l’immeuble. »
L’accession libre
Ici, le projet est piloté par un promoteur immobilier. Il s’appuie néanmoins sur les trois piliers de l’habitat participatif. Alors, comment ça marche exactement ?
« Cela va dépendre des promoteurs, explique Martin Labrosse, chacun laissera une marge de manœuvre différente aux habitants. Dans le cadre des appels à projets lancés sur Citadelle par exemple, ils devront le préciser. Une fois retenu, le promoteur communique pour constituer un groupe d’habitant. Il fait souvent appel à un accompagnateur pour gérer les réunions et la conception commune. »
L’investissement personnel est moindre que dans l’autopromotion, et on s’épargne notamment les sujets techniques. « Cela répond à la demande de gens qui n’ont pas envie d’autant s’engager. Le promoteur porte le risque financier. Aussi, le promoteur a intérêt à aller le plus vite possible, la livraison est donc souvent plus rapide. »
Un exemple : Futur composé
Écoquartier Danube à Strasbourg
17 logements dont 11 co-conçus avec le promoteur Boulle
Espaces mutualisés : atelier, potager, terrasse
« Le promoteur a développé un logiciel pour le choix des couleurs, des matières, des espaces, raconte Martin Labrosse. Il mouline les envies de chacun pour sortir une proposition qui pourrait faire consensus. Elle est partagée lors d’une première réunion, discutée et validée, ou pas. Les futur·es habitant·es doivent par ailleurs rédiger une charte collective, qui définit les principes de la vie collective. »
L’accession sociale
Cela fonctionne comme l’accession libre, mais avec un plafond de revenus pour les acquéreurs, encadré par la loi. Le projet est porté par un bailleur social. Dans les deux projets en accession sociale à Citadelle, l’Eurométropole de Strasbourg finance l’assistance à maîtrise d’usage, c’est-à-dire l’accompagnement des habitant·es. « Sinon, ce serait trop chronophage pour les bailleurs. »
Un exemple : Ecoterra
7, passage de la Gosseline, écoquartier Danube à Strasbourg
14 logements, du T2 au T5
Espaces mutualisés : terrasse et buanderie
Le locatif social
« C’est encore peu répandu, reconnaît Martin Labrosse. À Strasbourg il y a deux projets de ce type pour l’instant. Mais on tient à en développer plus pour ne pas réserver l’habitat participatif aux plus favorisés. » Sur Citadelle, 26 logements sont ainsi prévus. « La première difficulté, poursuit Martin Labrosse, c’est que les commissions d’attribution des logements ont lieu une fois que les logements sont livrés. Ici, tout un travail en amont est à prévoir afin que les personnes du groupe (qui doivent respecter les critères du logement social) puissent bien accéder aux logements une fois ceux-ci livrés. Autre difficulté : le financement des espaces collectifs… Les prêts accordés au bailleur ne sont pas adaptés à l’habitat participatif. Avec le réseau des collectivités, on travaille en direction du ministère pour faire évoluer la loi, car elle est aujourd’hui un frein à l’habitat participatif . »
Un exemple : Pot’âgés
Elyxandro Cegarra pour la Ville et Eurométropole de Strasbourg
23, rue de Lunéville (en construction) à Strasbourg
10 logements pour séniors
Espaces mutualisés : salle polyvalente, cuisine, chambre d’ami·es, salles de bain adaptées à des thérapies, buanderie, jardin, terrasse
Ici, les logements sont petits mais les espaces partagés nombreux et très grands, adaptés au besoin de ces séniors de se retrouver pour des activités tout au long des journées. L’association Cocon3S Alsace a bataillé plusieurs années pour obtenir l’engagement des partenaires, Ville et bailleur, à mener à bien ce projet. Cette association a maintenant laissé la place à l’association des futures locataires, dénommés « Les Pot’Âgés du 23 rue de Lunéville ».
Conclusion
Quelle que soit la formule, « ce qui motive les habitant·es, conclut Emmanuel Marx, c’est de mettre du sens dans leur vie, et que l’endroit où ils et elles habitent soit en accord avec leurs valeurs, qu’ils et elles vont vivre de manière plus intense : écologie, vivre-ensemble, solidarité, lien intergénérationnel… » Bref, tout ce qu’on a envie de retrouver aujourd’hui dans notre cadre de vie !
Et pour aller plus loin, et avoir plus d’informations sur l’habitat participatif à Strasbourg et dans sa région, cliquez-ici !