Après un an et demi de travail en commun de toutes les parties prenantes, le projet urbain Strasbourg Deux-Rives / Zwei-Ufer a évolué en février 2022 pour s’ancrer plus fortement dans la transition écologique et sociale. Concrètement, comment cela se traduit-il à l’échelle d’un quartier ? de ses espaces verts ? des logements qui y seront construits ? des équipements et espaces publics ? Comment y circule-t-on, s’y chauffe-t-on, et comment y invente-t-on de nouveaux modes de vie individuels et collectifs ?
Focus sur le quartier Citadelle pour illustrer tous les aspects traités et étudiés pour faire évoluer le projet.
Des espaces verts plus généreux
Pour compléter la promenade des quais et préserver des espaces végétalisés existants et d’importance métropolitaine (« ceinture verte »), le projet évolue : les espaces verts existants de la pointe et des abords des Halles Citadelle sont préservés et transformés en un grand Parc Citadelle, connecté à terme au parc de la Citadelle actuel via une nouvelle passerelle piétons-cycles.
Le cœur du quartier se végétalise par la même occasion. Construire avec la nature, ce n’est pas seulement créer des parcs, mais bel et bien songer à la place de celle-ci au sein même des quartiers :
- dans nos rues et sur les places publiques, en plantant des arbres et en privilégiant une gestion des espaces verts qui favorise la biodiversité (en particulier la gestion différenciée des espaces verts : plus d’infos)
- au cœur des ilots privés, en adaptant les profils architecturaux pour permettre l’installation de jardins et de grands arbres qui poussent en pleine terre.
- sur les bâtiments eux-mêmes, en végétalisant leurs façades et leur toiture. Ces actions menées sur les opérations de construction participent à la préservation de la fraîcheur dans les bâtiments en été, en plus d’être esthétiques !
En somme, créer une continuité écologique au sein du quartier à travers un tissus d’espaces verts, squares et placettes, publics et privés, qui apporte rafraîchissement naturel, amélioration du cadre de vie et biodiversité.
Développer un accès à la nature en ville, ce n’est pas seulement renforcer la biodiversité locale, c’est aussi préserver notre santé psychologique ! Un contact visuel et physique direct avec la nature est en effet essentiel à l’être humain.
Un ajustement des formes urbaines dans une démarche bioclimatique
Une des évolutions majeures du projet urbain se traduit par le travail mené par le bureau d’études TRIBU et son diagnostic environnemental des opérations construites. De leurs études ont émergé plusieurs recommandations parmi lesquelles un ajustement des formes urbaines dont l’un des effets est l’amélioration des conditions d’habiter :
- en été, lors des pics de chaleur et des épisodes caniculaires :
- Pour rafraîchir naturellement les logements et espaces extérieurs, le projet évolue en prenant en compte les vents dominants de la vallée rhénane. La réduction de l’épaisseur des bâtiments permet la réalisation de logements traversants, ventilables naturellement en été. Une nouvelle implantation des bâtiments assure la circulation des vents sud/nord au sein du quartier, et donc, son rafraichissement naturel.
- En parallèle, les toitures sont végétalisées pour participer au refroidissement des bâtiments ; des panneaux solaires sont installés sur les toitures pour générer de l’électricité ; des protections extérieures (stores, volets, persiennes) sont ajoutées pour protéger les surfaces vitrées du soleil.
- Enfin, les arbres plantés en pleine terre apportent de l’ombrage et rafraîchissent naturellement les espaces extérieurs et les bâtiments adjacents.
- en hiver, alors que les journées sont plus courtes et l’ensoleillement moindre :
- En ajustant le volume de certaines constructions, le projet permet un meilleur accès à la lumière – et donc, à des apports de chaleurs naturels – aux logements des étages inférieurs, assurant ainsi une meilleure qualité d’habiter et une réduction des besoins en chauffage et éclairage.
- À travers le développement de surfaces vitrées généreuses sur les façades des bâtiments, les logements et bureaux bénéficient d’un meilleur apport de lumière et de chaleur naturelles.
- Finalement, le choix des essences d’arbres plantés (des arbres à feuilles caduques, en l’occurrence, qui les perdent en hiver) permet de laisser passer la lumière afin qu’elle atteigne les façades vitrées.
Ainsi, pour un habitat de qualité, plus sobre énergétiquement et adapté au climat actuel et futur, l’ajustement du volume de certains bâtiments fut nécessaire. Conjuguée à l’implantation de nouveaux équipements publics et services de proximité, en lieu et place de bâtiments, ainsi qu’à la préservation des espaces végétalisés des Halles Citadelle et de la pointe, cette évolution impacte mécaniquement la programmation en logements. Le quartier totalisera 920 logements (au lieu de 1190 dans le projet initial) avec une part nettement accrue de logements abordables (locatif social, locatif intermédiaire et accession sociale) – 53% sur le quartier Citadelle (au lieu de 38% dans le projet initial) – et de nouveaux logements participatifs (auto-promotion, logements sociaux participatifs…).
Un quartier bas-carbone au service d’une transition des modes de vie
En parallèle d’une réflexion pour construire une ville résiliente, mieux adaptée aux conditions climatiques futures, un travail de fond a été réalisé pour réduire l’impact climatique du projet, notamment au regard des émissions de gaz à effet de serre et, en particulier, du dioxyde de carbone (CO2).
Ce travail passe autant par la construction d’une ville moins énergivore (comme expliqué ci-dessus) que par une réflexion sur le « cycle de vie » des matériaux utilisés. Extraction, transformation, livraison, usage, entretien ou encore recyclage sont autant d’étapes dont l’impact environnemental doit être minimisé.
Ainsi, la SPL Deux-Rives et l’Eurométropole de Strasbourg ont engagé un travail partenarial avec l’ensemble des acteurs de la filière bois autour du quartier Citadelle. Il s’agit de développer les savoir-faire locaux, de réduire les surcoûts et de renforcer l’usage de tous les matériaux biosourcés (bois, brique, terre-paille…). Le choix des matériaux sera ensuite imposé aux opérateurs immobiliers via les cahiers des charges des appels à projets. C’est aussi l’occasion de structurer les filières locales, d’imaginer des livraisons de matériaux par voie fluviale (en plus des arbres déjà livrés par bateau) et d’inventer de nouveaux procédés constructifs.
Porter une ambition globale de réduction des émissions de gaz à effet de serre au sein du quartier, cela exige aussi de repenser nos modes de vies. Comment accompagner et amplifier ces évolutions ?
Concrètement :
- C’est d’abord soutenir l’émergence des initiatives citoyennes autour de la transition écologique (ex. création d’AMAP et jardins partagés, réduction des déchets, co-voiturage et autopartage…)
- C’est étudier le développement de la logistique fluviale et cyclable, de la logistique de chantier à la vie des quartiers (ex. livraison des commerces et pour les habitants)
- C’est réduire l’impact carbone de nos déplacements en réduisant la place de la voiture au sein du quartier (fini le stationnement en voirie, place à des parkings en silo en entrée de quartier) et en développant les mobilités douces (arrêt de tramway « Citadelle » déjà existant, création de zones de rencontres piétons/cyclistes/voitures à 20 km/h, pistes cyclables, etc.)
Citadelle, quartier pilote pour la ville de demain
Dans le cadre d’un appel à manifestation d’intérêt de l’état français qui s’inscrit dans le programme Habiter la France de demain, le quartier Citadelle a été sélectionné pour être Démonstrateur de Ville Durable.
De nombreux acteurs collaboreront dans le cadre de ce partenariat impulsé par l’Eurométropole de Strasbourg et la SPL Deux-Rives. Ce projet vise à développer des projets innovants réplicables sur tout le territoire en travaillant main dans la main avec l’écosystème local.
Le démonstrateur bas-carbone du quartier Citadelle présentera ainsi des innovations qui s’attachent à :
- La bonne desserte du site avec le tramway transfrontalier et les orientations du projet urbain : constructions maximisant l’utilisation du bois et des matériaux biosourcés, sobriété des besoins énergétiques, approvisionnement via le réseau de chaleur, réduction de la place de la voiture avec la réalisation de deux parkings silos mutualisant les besoins en stationnement du quartier ;
- Mais également à la logistique urbaine fluviale : approvisionnement des chantiers par la voie d’eau pour réduire le trafic poids lourd, puis réponse aux besoins du quartier, mais aussi des quartiers existants voisins ;
- À l’adaptation au changement climatique par l’exploitation optimisée et à la protection de la ressource en eau : expérimentation autour de la gestion des eaux de pluies, réutilisations domestiques des eaux de pluie et valorisation des eaux usées ;
- L’anticipation et l’accompagnement aux changements de pratiques écologiques et du mode d’habiter des habitants du quartier et des professionnels qui interviendront dans le cadre du projet d’aménagement et de vie, en créant une offre de services adaptées contribuant à la qualité et à la cohésion sociale sur le quartier à l’image de la création de 102 logements en habitat participatif.
Une plus grande part de logements abordables et de l’habitat participatif
Pour rendre la ville plus inclusive, la SPL Deux-Rives, ses équipes de maîtrise d’œuvre et la Ville et Eurométropole de Strasbourg ont travaillé pour proposer des logements plus abordables (locatif intermédiaire, locatif social et accession sociale), mieux adaptés aux ressources financières et aux besoins des habitants.
À Citadelle, initialement, la part des logements abordables était de 38%. Afin de mieux répondre au besoin en logements et aux capacités financières des citoyens et citoyennes, la part de logements abordables a été revue à la hausse pour atteindre 53% de la programmation habitat.
En parallèle, la SPL Deux Rives et l’Eurométropole ont œuvré au développement de nouvelles formes d’habiter, comme l’habitat participatif, envisagé plus particulièrement au cœur du quartier Citadelle, avec pour objectif de rendre le quartier plus écologique et convivial.
L’habitat participatif repose sur une démarche citoyenne : des personnes se rassemblent pour concevoir ensemble leur logement et penser leur immeuble comme un lieu de vie commun, enrichi par les rencontres, le partage et la mutualisation des espaces (partager une buanderie, une terrasse, une salle polyvalente…) Les évolutions du projet Deux-Rives viennent renforcer la part de l’habitat participatif avec de l’autopromotion au quartier Citadelle et le déploiement de cette démarche pour les opérations de logements locatifs sociaux et les opérations portées par les promoteurs immobiliers. Ainsi, à l’échelle de la presqu’île Citadelle, une centaine de logements est prévue en habitat participatif.
Petit lexique du logement
Locatif social et locatif intermédiaire
Les logements locatifs sociaux et locatifs intermédiaires sont des logements loués à un prix réduit, sous conditions de ressources. Cela inclut des logements résidentiels, répartis sur chacun des quartiers et ilots, mélangés et similaires aux autres logements mais aussi, des résidences spécifiques, telles que des résidences sociales pour jeunes actifs, étudiants, parents isolés ou demandeurs d’asiles. Ces résidences se répartiront sur les 4 quartiers. Elles contribuent à diversifier les réponses apportées en termes d’habitat, de lien social et intergénérationnel.
Accession sociale
Les logements en accession sociale permettent aux ménages d’accéder à la propriété avec un apport et des revenus moins élevés que pour les logements « au prix du marché ». Par le système du « bail réel solidaire », les ménages peuvent notamment acheter les murs, sans le terrain, ce qui réduit le coût du logement d’environ 25% par rapport à un logement standard.
Logements abordables
Les logements abordables regroupent les logements en accession sociale ainsi que les logements en locatif social et en locatif intermédiaire. En savoir plus sur le logement en accession sociale et le bail réel solidaire.
Accession libre
Les logements en accession libre correspondent aux logements vendus ou loués sans conditions de ressources, au « prix du marché ». Ils peuvent être achetés par des propriétaires occupants ou par des propriétaires-bailleurs, via des dispositifs d’aides fiscales. Les logements en accession libre sont encore trop souvent standardisés ou « formatés », et trop chers. Pour contrer le risque de « standardisation » et renchérissement de ce type de logements :
- les prescriptions architecturales (tailles minimum et principes de conception des logements) ont été renforcées,
- près de 20% de ces logements seront vendus à « prix encadrés ». Il s’agit notamment d’éviter que les logements de 3 à 5 pièces ne soient vendus à des prix inabordables pour une famille avec enfants.
- la part de logements en accession libre inclura des projets d’habitat participatif en autopromotion.
De nouveaux équipements publics
L’analyse critique du projet initial a permis d’identifier le déficit en équipements publics du projet initial (retrouvez la synthèse de l’analyse critique dans le dossier de presse présentant les évolutions).
La presqu’île Citadelle s’orientait trop vers une cité-dortoir dépourvue de services publics et de lieux de rencontre permettant une vie de quartier dynamique et solidaire.
Au terme du travail mené en 2021 par nos équipes, le plan-guide a été révisé pour répondre au besoin en équipements publics du territoire. À l’échelle du quartier Citadelle, une école plus grande accompagnée d’une nouvelle maison de la petite enfance ainsi qu’un espace socio-culturel verront le jour. Les futur·es habitant·es du quartier Citadelle bénéficieront également des équipements publics des quartiers voisins, notamment du Neudorf (gymnase Aristide Briand, médiathèque André Malraux…), de Starlette (collège, gymnase), de la Coop (salle polyvalente du quartier Port du Rhin – Coop, Cave à Vins, Virgule…) et du Port du Rhin (tiers lieu social et culturel et espace France services à la Cour des Douanes).